« Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut » (Ps 84, 8).
Droite
comme un i, occupant toute la hauteur de la toile, la femme nous
regarde sans nous regarder, absente et présente tout à la fois, prise
entre sa réalité charnelle du dehors et sa nouvelle vie du dedans. Elle
semble s’effacer et respirer au rythme du nouveau cœur de lumière qui
bat en ses entrailles.
« Ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme »
(v.39). La voici entièrement plongée dans l’inconnaissable de ce jour
et de cette heure que ni les anges, ni le Fils, ni personne ne connaît,
sinon le Père et lui seul (v.36). Elle se laisse envahir par cette
nouvelle vie qui l’a saisie sans la surprendre.
Seule
la douceur de ses mains protégeant son ventre rond et lumineux, la
sérénité de son regard bleu, et la pause de sa course suspendue nous
parlent de sa promptitude à accueillir en elle le surnaturel. Toute son
attitude nous dit sa veille, son attente, sa prière. Elle a été prise,
entièrement saisie : corps, cœur et âme par Celui qu’elle espère.
« Deux
femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre
laissée. Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur
vient. Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle
heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas
laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi :
c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme
viendra » (v.41-44).
Ô pure, ô douce vision !
C’est en mon âme que s’opère
Le grand, le sublime mystère,
La nouvelle incarnation !
Je ne vis plus, Il vit en moi.
Oh ! c’est déjà le face à face,
La vision que rien n’efface
À travers l’ombre de la foi.
Il vient révéler le mystère,
Livrer tous les secrets du Père,
Mener de clartés en clartés
Jusqu’au sein de la Trinité.
(Sainte Élisabeth de la Trinité, C’est pour moi qu’il est venu, Poésie P 75, Noël 1901, Œuvres complètes, Cerf 1996, p.996).