vendredi 25 décembre 2015

Le bonus de Noël : « Paix sur la terre aux hommes que Dieu aime »

Cadeau de Noël
Vendredi 25 décembre 2015

« Paix sur la terre aux hommes que Dieu aime »

Évangile : Evangile : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14)

[…] Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable,
qui louait Dieu en disant :
    « Gloire à Dieu au plus haut des cieux,
et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »


Cinquième séquence (04:27 à 4:32)




Le premier plan de la dernière séquence reprend la même vue frontale en perspective, la corbeille  de fruits que personne n’a touchée, au centre de la table, continue d’exhiber joyeusement ses couleurs.

Le silence se laisse manger par les grelots d’un tintement de verre et de porcelaine, comme les minuscules cloches que feraient sonner des anges sentinelles de l’invisible …
Tous ces petits bruits annoncent l’arrivée de la tisanière, énorme, blanche, laissant couler son breuvage couleur de miel, dans les verres transparents.
C’est l’heure de la dernière danse.

 

 

 

Le récipient de porcelaine passe de mains en mains, laissant les plus habiles balayer devant lui, tous les obstacles de la route, comme ce poivrier de bois sombre, avançant et semblant la figure d’un grand jeu d’échec.



Deux nouveaux plans rapprochés cadre à droite, puis à gauche, les visage des Sœurs qui boivent ensemble, et en parfaite communion, la dernière boisson de la journée, leur tisane, une verveine citronnée. 
  

Enfin, la caméra se penche et cadre sur les mains de la première Sœur assise à droite. Le silence se fait, les couverts sont posés dans les assiettes vides. Le repas est terminé, le silence comblé s’installe enfin. 
Tout se termine comme dans un ralenti, jusqu’au geste suspendu d’une fin de mesure, d’une ultime respiration, d’un dernier soupir. Il me semble que ce point d’orgue ressemble le plus à la paix.

Noir.

On me peut pas regarder « Le repas silencieux » de Laure Jaudon, sans penser à la toile de Francisco de Zurbarán« Saint Hugues au réfectoire des Chartreux ».
L’un comme l’autre, par la disposition iconique des corps, la sobriété hiératique de la mise en scène des personnages et de la table, l’éclat de la blancheur, la simplicité des mets, nous mettent en présence d’une autre réalité. Nous sommes témoins de la transfiguration de leur quotidien, croqué par les deux artistes dans une sorte d’immuabilité qui nous dit, pour aujourd’hui, que le Seigneur est là, toujours, assis à nos tables.

L’évangile de la nativité que nous lisons aujourd’hui en cette messe du jour de Noël, malgré le brouhaha des bergers et les clameurs des anges, nous offre aussi la paix et le silence de la crèche. C’est la promesse des anges à tous les hommes de la terre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » (Lc 2,14).

C’est aussi notre vœu le plus cher pour aujourd’hui et pour tous les hommes, femmes et enfants de tous les pays … tous aimés de leur Créateur : Paix sur la terre aux hommes que Dieu aime !

Sr Nathalie Le Gac, CSJ Mechref, 25 décembre 2015







dimanche 20 décembre 2015

4e dimanche de l’Avent : «  Se réjouir »

Quatrième méditation, 4ème dimanche de l’Avent
20 décembre 2015

« Se réjouir »

Évangile : « D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » (Lc 1, 39-45)

En ces jours-là,
Marie se mit en route et se rendit avec empressement
vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.
    Elle entra dans la maison de Zacharie
et salua Élisabeth.
    Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie,
l’enfant tressaillit en elle.
Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint,
    et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes,
et le fruit de tes entrailles est béni.
    D’où m’est-il donné
que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
    Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles,
l’enfant a tressailli d’allégresse en moi.
    Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles
qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Quatrième séquence (03:59 à 4:26)

 

La première image est une brève apparition de quelques secondes, suffisante pour nous donner le ton de l’attente, mais une attente habitée. 
La bouteille bleue, presque fondue dans le fond marron foncé d’un chandail en laine, se détache par l’éclat blanc de la lumière. Sur elle, une étoile semble tombée du manteau de la nuit ; et à côté d’elle, la petite croix en bois lisse appelle notre regard.
Le jeu des rayures beiges sur la manche jouent avec les lignes verticales des boiseries claires. 
Tout est calme et reposé, un silence gracieux et léger s’installe.


Au deuxième plan, les cinq Soeurs sont assises en silence, deux se sont éclipsée, sans doute occupées par le service de la table. Il est temps de passer à autre chose. 
On peut voir tous les visages et enfin une vue d’ensemble de la pièce. Les Sœurs attendent toutes ensemble, en un silence recueilli et grave. Presqu’aucun bruit …

 

Et puis soudain, sans crier gare le plan suivant bouleverse ce fragile équilibre, la caméra se baisse et re-cadre, en un troisième plan frontal, les quatre premières assiettes du début de la table. 
Mais tout a changé, il y a eu une irruption de la couleur. 
Dans une corbeille carré d’osier tressé, les fruits exhibent leurs couleurs vives et déchirent la monochromie par un camaïeu de jaunes et d’orangés. C’est beau ! 

La corbeille est offerte, au centre de la table, mais personne n’y touche. Les paumes des mains sont posées sur la table, d’autres s’affairent à terminer de manger un yaourt, raclant les dernières bouchées avec une petite cuillère. Le dessert se métamorphose en joyeuse offrande, juste pour le plaisir des yeux et du cœur.

L’évangile du jour est celui de la Visitation de Marie à Elisabeth. Marie, portant le fruit de son Fiat, et arrivant jusqu’à Elisabeth. Entre les deux enfants cachés dans le sein de leurs mères, et les paroles de bénédiction et de joie qu’elles s’échangent, il y a la joie simple de l’hospitalité, les sourires et les salutations, tout est à la joie de la visite et de la promesse.

C’est aujourd’hui, pour nous aussi, que Jésus nous visite, à travers tous les porteurs de Dieu et les transporteurs de sa Bonne nouvelle. Comment ne les accueillerions-nous pas ? 

Il est l’heure de se réjouir !


Sr Nathalie Le Gac, CSJ Mechref, 20 décembre 2015

dimanche 13 décembre 2015

3e dimanche de l’Avent : « Se tenir collés à la terre »

Troisième méditation, 3ème dimanche de l’Avent
13 décembre 2015

« Se tenir collés à la terre »

Évangile : « Que devons-nous faire ? » (Lc 3, 10-18)

En ce temps-là,
    les foules qui venaient se faire baptiser par Jean
lui demandaient :
« Que devons-nous faire ? »
    Jean leur répondait : 
« Celui qui a deux vêtements,
qu’il partage avec celui qui n’en a pas ;
et celui qui a de quoi manger,
qu’il fasse de même ! »
[…]
« Moi, je vous baptise avec de l’eau ;
mais il vient, celui qui est plus fort que moi.
Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales.
Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
    Il tient à la main la pelle à vanner
pour nettoyer son aire à battre le blé,
et il amassera le grain dans son grenier ;
quant à la paille,
il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
    Par beaucoup d’autres exhortations encore,
il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.


Troisième séquence (02:49 à 03:58)



Nous retrouvons, pour le premier plan de cette troisième séquence, la table en vue rapproché et de face. La perspective au point de fuite central fait porter l’attention du spectateur sur l’enfilade des mains au dessus des assiettes blanches, rompant le pain, coupant le fromage, essuyant la dernière trace de soupe. Il y a le jeu élégant et simple des mains du premier plan à gauche rompant le pain en petits cubes  au dessus de l’assiette de potage. Il y a aussi la corbeille de pain, le plateau de fromage et le plat blanc des yaourts qui circulent de place en place pour se retrouver à chaque nouveau service, au centre de la table, accessibles à toutes les mains. Ça grince, ça glisse, ça tourne. Le repas est partagé (Lc 3,11).



Le deuxième plan sur deux profils des Sœurs assises à droite vient donner âme aux corps sans têtes du premier plan. Une des Sœurs boit deux gorgées d’eau, puis repose son verre, elle avale ses deux dernières bouchées de pain, en jetant de petits coups d’œil de côté, peut-être est-elle la dernière que les autres attendent ?

Posé en arrière plan sur un buffet en bois, en guise de tout décor, est ouvert le livre aux pages blanches, ses feuilles recourbées comme les ailes d’un oiseau qu’un enfant aurait dessiné dans le ciel. 
Est-ce un appel venant d’en haut ?


La séquence se termine par un plan qui se resserre sur le visage, celui-ci s’échappe du cadre, par le haut dans un mouvement de tête vers le plafond … comme pour regarder le ciel, et le livre disparaît. Fallait-il suivre l’oiseau ? 
Mais la caméra de Laure Jaudon reste collée à la table, à la terre, à cette atmosphère terreuse et grisâtre. Le visage de la Sœur et sa prière nous échappent.
Soudain, cette pauvreté monochrome me fait penser à la pose prise sur le vif, de la « Famille de paysans dans un intérieur » peinte par les frères Le Nain, où il ne s'agit pas d'un véritable dîner : la table n'est même pas servie. Mais par l’évocation du pain, du vin et du sel, le spectateur est renvoyé à un autre repas, où se joue un éclat d’éternité celle du pain apaisant toute faim et du vin étanchant toute soif. 


Le dernier plan de transition semble nous donner raison. C’est un plan rapproché sur un buste portant la croix de bois ; et, devant lui, se détachant du monochrome brun foncé, la bouteille bleue accrochant la lumière, nous invente un Ciel qui descend jusqu’à nous.

L’Évangile du jour nous parle, en ce troisième dimanche de l’Avent, du choix moral des foules à bien agir : habiller et nourrir (Lc 3,10), et d’un Autre que Jean qui nous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu (Lc 3,16).
Ces deux versets sont un appel à l’agir et non à la fuite. C’est d’en-bas que nous agirons, partagerons et poserons nos actes bons ; c’est en bas que le Saint Esprit et son feu purificateur promis par Jean descendront. 

Pour les recevoir, il nous faut nous tenir collés à la terre …



Sr Nathalie Le Gac, CSJ Mechref, 13 décembre 2015

dimanche 6 décembre 2015

2e dimanche de l’Avent : « Attendre une bonne nouvelle »

Deuxième méditation, 2ème dimanche de l’Avent

« Attendre une bonne nouvelle »

Évangile : « Tout être vivant verra le salut de Dieu » (Lc 3, 1-6)

[…] La parole de Dieu fut adressée dans le désert
à Jean, le fils de Zacharie.

   Jean parcourut toute la région du Jourdain,
en proclamant un baptême de conversion
pour le pardon des péchés,
    comme il est écrit dans le livre des oracles d’Isaïe, le prophète :
Voix de celui qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits ses sentiers.
    Tout ravin sera comblé,
toute montagne et toute colline seront abaissées ;
les passages tortueux deviendront droits,
les chemins rocailleux seront aplanis ;
    et tout être vivant verra le salut de Dieu.

Deuxième séquence (02:20 à 02:48)
La soupe a été servie, un plan rapproché sur la table, focalise l’attention du spectateur sur l’assiette lisse de porcelaine blanche, sur le verre transparent grossissant (comme une loupe) un morceau de mie blanche du pain coupé et abandonné près de l’assiette, et sur la bouteille bleue du premier plan occupant toute la hauteur de l’image. Ces trois objets, comme hors d’échelle, forment un décor d’éclats de couleurs et de lumière, tranchant avec la monochromie brune et grisâtre de la table, des chandails de laine marron, des meubles en bois foncé et des murs de la pièce.
En trois nouveaux plans rapprochés de champ et contrechamp sur deux Sœurs à droite de l’écran puis de trois autres Sœurs leur faisant face, la communauté commencent à manger la soupe chaude. Ce n’est pas tant les visages qui intéressent Laure Jaudon que les mains tenant la grande cuillère jusqu’aux lèvres, puis à la bouche, dans une synchronisation légèrement décalée respectant le rythme de chacune. 
La danse des couverts est belle, les bruits se fondent dans l’atmosphère et les rythmes réguliers. Un cliquetis de couverts appelle notre attention sur un fragment jaune, une rose dans un vase posé sur la cheminée de marbre.
Cette courte séquence se termine par un plan fixe de silence et d’attente. Il n’y a plus rien à manger, ni plus rien à boire. Les deux premiers visages immobiles, comme bercés par une musique secrète, se concentrent dans une attitude d’intériorisation douce et rêveuse qui attire le regard. Soudain perce comme une tristesse qui émane de la gravité des regards. 


La caméra pudique s’en détache et élargit son champ. Un nouvel élément de décor apparaît, les pochettes en tissu, sorte de casiers pour les lettres que chacune a reçues (ou pas). Certaines sont pleines, d’autres ouvrent leur béance, souvenir d’une lettre déjà montée dans la cellule et lue. Une histoire se dit là sur les confidences faites, les prières demandées, tous ces liens invisibles entre les personnes présentes ou absentes.

En ce deuxième dimanche de l’Avent, la voix de Jean résonne dans nos déserts : « Préparez le chemin du Seigneur, […] tout être vivant verra le salut de Dieu. » (Lc 3, 4.6). 
Jean le Baptiste crie aussi dans le silence de ces femmes en attente, dans leur silence, dans leurs gestes et leur immobilité, dans les lettres reçues. 
Cet arrêt sur image est comme un tremplin, un espace vierge à tous les possibles, une gestation en quelque sorte, et leur respiration commune ressemble à trois points de suspension accrochés à la promesse du salut universel. …

Oui, un jour, nous verrons le salut de Dieu …


Sr Nathalie Le Gac, CSJ Mechref, 6 décembre 2015